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Royaliste n° 1230

Enjeux de souveraineté

par Bertrand Renouvin

lundi 14 mars 2022

La crise sanitaire a révélé nos faiblesses et nos manques en matière de recherche, de matériel médical, de médicaments, de capacités hospitalières… La guerre russo-ukrainienne souligne la faiblesse de nos forces conventionnelles et leur incapacité à mener des combats de haute intensité.

Quant à la nécessité de réagir, la prise de conscience est générale et les discours regorgent de bonnes résolutions. Dans sa Lettre aux Français, Emmanuel Macron affirme qu’il a pris la mesure des efforts à accomplir pour retrouver l’indépendance économique. La Défense nationale n’est guère évoquée dans cette Lettre mais nous entendrons certainement, dans les semaines qui viennent, de belles et fortes paroles. Nous applaudirions des deux mains si deux conditions étaient réunies : il faudrait que les objectifs affichés soient compatibles entre eux ; il faudrait que les moyens mis en œuvre soient adéquats. Tel n’est pas le cas.

Emmanuel Macron s’obstine à invoquer la «  souveraineté européenne  », encore récemment lors du sommet de Versailles. Or l’Union européenne n’est pas et ne sera jamais un État. Malgré les coups de menton de la présidente de la Commission européenne, qui outrepasse ses fonctions en matière de censure et de commandes d’armements, les organes installés à Bruxelles, Francfort et Strasbourg ne peuvent rivaliser avec les pouvoirs étatiques établis à Washington, Moscou et Pékin, qu’il s’agisse de la symbolique politique, de la puissance diplomatique, des capacités militaires.

Les milieux dirigeants de l’Union européenne se réjouissent de trouver une convergence dans l’opposition à la Russie, comme naguère à l’URSS, mais il y a des différences capitales entre les deux périodes de guerre froide. Les États membres de l’Union conservent, malgré les dérives oligarchiques, d’indéniables attraits dans le domaine des libertés publiques mais le dynamisme économique et la prospérité relative des Trente glorieuses ne sont plus que des souvenirs enjolivés : le néolibéralisme a durci les conditions de vie et s’est révélé impitoyable pour les plus faibles. L’attirance pour le «  modèle  » Ouest-européen a été maintenue par trois mensonges qui ont été largement répandus après la chute de l’URSS et qui sont repris à l’intention du peuple ukrainien.

Contrairement à ce que les dénominations officielles laissent supposer (Parlement européen, Conseil des ministres…), l’Union européenne est régie par un ensemble d’organes non-démocratiques aux pratiques antidémocratiques.

Contrairement à ce qui est affirmé dans les textes officiels (bienfaisance du marché concurrentiel, etc.), l’Union européenne est responsable de la destruction de secteurs économiques entiers, par l’effet de la libre-concurrence et du libre-échange. Contrairement à ce qui est affirmé dans les discours diplomatiques, l’Union européenne n’a pas étendu ses hypothétiques bienfaits aux nouveaux États-membres. Elle a fonctionné à leur égard comme une pompe aspirante de main-d’œuvre à bon marché et les a utilisés comme zone de délocalisations fructueuses pour les industries du centre – et plus particulièrement pour les entreprises allemandes. C’est un système de prédation capitaliste et d’exploitation normalisée des populations qui est proposé aux Ukrainiens par divers européistes – et qui leur serait imposé après des années de négociations humiliantes.

Au lieu de tenir aux dirigeants européens un discours de vérité en vue d’une refondation de l’Europe, Emmanuel Macron continue de nourrir les illusions sur les bienfaits de la prétendue «  construction européenne  » et voudrait, de surcroît, que les Français prennent au sérieux son message sur l’indépendance économique. Or le président-candidat exprime deux volontés contradictoires. On ne peut vouloir que la France respecte les traités européens et qu’elle développe en même temps sa puissance économique et militaire puisque l’Union européenne a installé un carcan monétaire, une austérité budgétaire et des règles de libre-échange qui compromettent ou interdisent les relocalisations et les relances d’activités.

L’échec est d’autant plus certain qu’en cas de réélection, Emmanuel Macron poursuivra son œuvre de destruction des administrations publiques, en faisant mine d’ignorer que l’État est l’instrument indispensable d’une politique de renforcement militaire et de développement économique - surtout dans une période de crises cumulées. Il faut l’État pour mobiliser l’économie, ce qui implique la planification et la protection douanière. Il faut l’État pour renforcer la protection sociale – alors que le candidat sortant annonce une réforme régressive des retraites – afin que les Français soient confortés et soutenus dans tous les moments de leur existence. Et il faut un pouvoir politique capable d’articuler les objectifs stratégiques et les moyens monétaires, financiers, technologiques… À chaque moment et dans chaque domaine, les enjeux portent sur la souveraineté de la nation – d’autant plus souvent évoquée que nul ne veut la concrétiser. ■